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Dans « Farben », des marionnettes content la vie de la première femme chimiste allemande

Pour sa nouvelle création (en novembre 2023 au Théâtre de Laval – Centre national de la marionnette), la Compagnie Espace blanc, fondée en 2016 par Cécile Givernet et Vincent Munsch – qui dirigent, par ailleurs, depuis 2021, le Théâtre Halle Roublot, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne) –, a choisi d’adapter la pièce du dramaturge et metteur en scène suisse Mathieu Bertholet, Farben. Ce titre fait référence à l’entreprise chimique IG Farben qui fabriqua le funeste Zyklon B, utilisé dans les chambres à gaz des camps de la mort, mais évoque aussi les couleurs (rouge, bleu ou vert) qui caractérisent les rêves de son personnage central, la chimiste allemande Clara Immerwahr (1870-1915), et structurent la construction dramaturgique de l’œuvre de Bertholet.
De ces « couleurs » de la pièce initiale, il ne reste guère de traces dans l’adaptation proposée par la Compagnie Espace blanc, qui a privilégié le noir et les nuances de gris pour évoquer l’Allemagne du début du XXe siècle et la première guerre mondiale, qui servent de décor au récit de la vie de Clara et de son époux, le scientifique Fritz Haber (1868-1934), Prix Nobel de chimie en 1918 pour ses travaux sur la synthèse de l’ammoniac.
Sont gris, notamment, tous les visages des protagonistes, que ce soit ceux des deux petites marionnettes articulées représentant Clara et Fritz ou ceux des figures de taille humaine (manipulées avec leurs poings par les comédiens) qui symbolisent l’entourage du couple (l’oncle et la tante de Clara, les voisines, une professeure de danse…). Même l’immense silhouette de militaire qui surplombe tous les autres personnages, placée sur les épaules des comédiens comme une sorte de sac à dos, est dotée d’une petite tête grise au-dessus de son gigantesque uniforme kaki et sous son képi d’officier.
Cécile Givernet et Vincent Munsch ont conservé cependant la construction d’ensemble du texte de Mathieu Bertholet, qui se compose de 124 courtes scènes, comme autant de fragments de la biographie de Clara Immerwahr. Avec, comme point de départ, le suicide de la jeune femme, le 2 mai 1915, à Berlin, avec l’arme de service de son mari, dans le jardin de leur villa. Une succession de tableaux permet ensuite de remonter le temps et de revenir sur les différentes étapes de la vie de Clara, depuis sa jeunesse à Breslau (l’actuelle Wroclaw, en Pologne), dans les années 1890, jusqu’à sa mort.
Défilent ainsi sous les yeux du public : la première rencontre avec son futur époux, Fritz Haber ; ses études et l’obtention d’un doctorat en chimie en 1900 à l’université de Breslau (une première pour une femme en Allemagne) ; son mariage en 1901 ; la naissance de son unique fils, Hermann, en 1902 ; et surtout la lente dégradation des relations au sein du couple Haber, avec le poids de la domination masculine, qui cantonne Clara à son rôle de mère au foyer alors qu’elle se rêve l’égale de son mari dans ses recherches sur les gaz de combat.
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